Mon tableau, couleur lavande, devant les yeux au dessus de mon canapé. Du rêve à la réalité, j’en viens à sentir cette odeur de lavande dans toute ma maison… J’imagine la vie de ceux d’avant.
Là-haut dans la montagne sur les plateaux
Dans ces temps pas si lointains, sitôt le blé rentré, ce n’était pas le moment de semer. Alors on embauchait quelques voisins qui étaient volontaires. Ensuite, le lendemain on mettait sur la charrette des provisions pour une quinzaine de jours. Puis avec tout un attirail, qui se composait : d’une faucille pour chacun, un sac en jute, un drap pour se coucher à la belle étoile ou dans le cabanon, on partait aussi joyeux que pour une noce. Pour rechercher une qualité supérieure de lavandes fines sublimées par l’altitude, on allait couper les lavandes, là-haut dans la montagne sur les plateaux.
On était tous des jeunes et on « avançait », ce qui veut dire qu’on abattait beaucoup de besogne!! En été sous les yeux, un vrai tableau. Celui des ramasseurs de lavande qui travaillent très tôt le matin. De temps en temps on scrute le soleil en espérant l’heure d’un déjeuner accompagné de l’eau fraîche du puits. Une pause méridienne bien méritée suivie d’une sieste aux heures trop chaudes, le tout installé dans la fraîcheur paisible du cabanon.
C’est plutôt sympa en apparence non!! Mais clairement, cueillir la lavande à l’ancienne n’est pas du tout facile. La canicule bien présente en cette saison, début août, rend la tache progressivement harassante au fil de la matinée qui se réchauffe. De plus il ne faut pas avoir peur des guêpes, abeilles, frelons ou vipères qui sont légions dans la lavande…
La redescente en mulet
Ensuite il fallait « caler » (descendre) toute cette récolte enivrante de fleurs bleues de qualité supérieure dans la vallée. Cette vallée bénie où le canal d’arrosage dispensait de l’eau à volonté et où se trouvaient les habitations et les villages. Plus bas, le chemin du retour est longé d’autres champs plus faciles déjà récoltés plus tôt. La lavande est chargé dans des « bourras » (drap de toile de jute de deux mètre de côté, avec des sangles pour lier les trousses). Pour transporter tout ça dans les sentiers escarpés de la redescente on utilisait une « lièye » (traineau) tirée par le mulet. Arrivés à destination et pour finir, on se faisait prêter un alambic et en cinq jours on avait tout distillé.
Dans les années 20, le prix de l’essence de lavande de montagne avait augmenté. En effet elle était très recherchée par les parfumeurs à Grasse. Le lavandin lui n’existait pas encore. De fait cette montée des cours du prix de la lavande fine allait sauver pour un temps bon nombre d’exploitations agricoles de Haute Provence. A partir de cette époque, de nouveaux alambic voient le jour. Un progrès à l’époque pour une meilleure distillation tant quantitative que qualitative.
« De nos jours en Provence la machine a remplacé l’homme dans les champs de lavande. Personne ne regrette ce travail harassant sous la canicule. »