L’agriculture provençale est moderne et compétitive. Mais deux cultures, vieilles de plus de vingt-cinq siècles, continuent de dominer le paysage: la vigne et l’olivier.
La vigne généreuse.
Généreuse quand son climat réchauffe la vigne pour donner du sucre à ses muscats, ingrate lorsque, en quelques heures, elle gèle à coeur tous les oliviers, la Provence est versatile, âpre et douce à la fois.
A l’est du grand Rhône, la Crau offre le spectacle inattendu d’une steppe herbeuse de 75 000 hectares, tour à tour glacée par le mistral et brûlée de soleil. Chaque hiver, les prairies servent de pâturage à cent mille moutons mérinos. Quand les bêtes partent pour la transhumance en montagne, elles laissent derrière elles une deuxième repousse qui va donner l’extraordinaire foin de Crau, exporté partout où sont élevés des chevaux pur-sang.
Au-delà, autour de l’étang de Berre ou vers Carpentras, dans le bocage du Comtat, le maraîchage, endetté et gourmand de main-d’oeuvre, tente de lutter contre les légumes venus d’Afrique du Nord ou de l’hémisphère sud.
Au nord et à l’est de la plaine du Rhône, le chaos de la formation alpine a dessiné les chaînes provençales: la Sainte-Baume, la Sainte-Victoire, le Lubéron couleur de craie, séparé par la Durance des Alpilles rougies de bauxite. C’est le royaume de la vigne, mais la terre y est si chère qu’il n’est de propriété que travaillée en famille.
Dès le mois de février, quand les amandiers fleurissent, la vigne réclame d’être débourgeonnée pour ne pas s’épuiser en rameaux inutiles. Autour des Baux-de-Provence, où règnent grenache noir, syrah, cabernet sauvignon, mourvèdre et cinsaut, il faut des semaines pour venir à bout, à la main, de la quarantaine d’hectares d’une exploitation moyenne.
Plus au nord, c’est le muscat qui prime. Adossées au célèbre château-neuf-du-pape qui ne réclame pas moins de treize cépages pour offrir son puissant arôme, les treilles blondes de Beaumes-de-Venise piquent leurs ceps noueux sur les terrasses qui zèbrent au cordeau les collines du Ventoux.
A chaque olive sa préparation.
Au bon rapport de la vigne, se marie presque partout celui de l’olivier. On le pare de toutes les vertus; on savait son huile bonne pour la peau, les cheveux, la digestion et la croissance des enfants, la voilà excellente pour le cœur ! Il faut 5 kilos d’olives pour faire un litre d’huile et un arbre peut en porter, les bonnes années, jusqu’à 20 kilos. Malgré cette bonne rentabilité à multiplier par trois millions d’oliviers, la Provence n’arrive à produire que 5% de la consommation nationale. Aglandau, salonenque, lucques et grossane sont cueillies « tournantes », quand elles quittent leur robe verte pour devenir juste violettes, à partir de novembre et jusqu’en janvier.
Reste la lavande.
Pour la rencontrer il faut monter plus haut, jusqu’à des terres rudes dont seules les chèvres, les moutons et quelques céréales peu communes comme la petite épeautre semble se contenter. Pourtant, dès les premières chaleurs, les plateaux bruns chavirent au bleu grâce à la lavande et à son hybride, le lavandin. Et en août, les vapeurs de l’alcool distillé se mêlent à l’effervescence de la récolte, pour enivrer les villages. La plupart des agriculteurs sont jeunes, comme beaucoup de paysans de Provence. Entreprenants, innovateurs, ils veulent démontrer que la nécessaire performance n’est pas incompatible avec la survivance des gestes ancestraux.